Les commentaires qui suivent sont rédigés sous une forme synthétique et brève qui,
je l'espère, convient mieux au WWW qu'un texte suivi et détaillé.
  

L'ALENA: Historique et synthèse du traité


Introduction

 

0.1 - Contexte précédant l'adoption de l'ALE entre le Canada et les États-Unis

Le traité précédant l'ALENA, intitulé ALE, pour Accord de libre-échange, a été signé en 1986 entre le Canada et les États-Unis.

Les objectifs motivant sa conclusion étaient très différents de ceux qui avaient poussé la création de la CEE, CECA et CEEA dans les années 50.

Voici en vrac, quelques-unes des raisons et des considérations ayant motivé la conclusion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d'Amérique dans la forme que nous lui connaissons aujourd'hui:

 

0.2 - L'adoption de l'ALENA: la poursuite des objectifs de l'ALE

 

Dans son essence, l'ALENA poursuit les mêmes objectifs que l'ALE. Les motivations majeures ayant incité les États-Unis à intégrer le Mexique sont les suivantes (le Canada ne faisant qu'une infime portion de son commerce avec le Mexique, ses motivations dans la conclusion de l'ALENA ont peu influencé les négociations):

 

0.3 - La nature de l'Accord de libre-échange nord-américain

 

Synthèse du traité de l'ALENA

 

Dispositions générales

 

Objectifs de l'Accord

L'Accord de libre-échange nord-américain crée une zone de libre-échange conforme à l'article XXIV du GATT. Cette disposition de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce exige le respect d'un ensemble de critères pour la création soit d'une union douanière, soit d'une zone de libre-échange. La différence majeure entre ces deux formes d'association réside dans le fait que dans une zone de libre-échange, il n'y a pas de " tarif douanier commun ". Ceci implique que chaque État-membre demeure libre d'imposer les droits de douane qu'il désire aux importations des pays tiers, alors que l'Union douanière oblige les États-membres à adopter un tarif douanier unique pour les importations en provenance de pays tiers.

Les avantages et obligations fondamentales imposées par l'ALENA aux États-membres pour l'ensemble des secteurs d'activités couverts par le traité reposent dans deux principes de droit commercial international:

Par l'application de ces deux principes à un ensemble de secteurs d'activités, les États-membres veulent:

L'ALENA constitue donc, par l'énuméré de ses objectifs et ses moyens de mise-en-oeuvre, un traité strictement commercial. Il n'a aucune ambition d'intégration politique, directement à tout le moins. C'est un traité économique qui souffre un paradoxe toutefois. Tout en voulant régir l'ensemble des activités commerciales des trois États-membres, il régit chaque secteur de l'activité économique de façon pratiquement étanche. C'est un traité sectoriel à vocation générale.


Dans un premier temps, L'ALENA édicte les règles applicables au commerce des produits de façon générale. Viennent ensuite les règles spécifiques et sectorielles, indépendantes les unes des autres. La partie finale du traité contient les dispositions institutionnelles et de règlement des différends.

 

1- Le commerce des produits

 

1.01 - Régime général applicable au commerce des produits

En ce qui concerne le commerce des produits de façon générale,

 

1.02 - Régimes spéciaux applicables au commerce de certains produits

Deux secteurs particuliers du commerce des produits sont soumis à un régime complémentaire au régime général. L'importance relative de ces secteurs d'activités dans l'économie des pays-membres justifiait ces régimes complémentaires. Les rédacteurs devaient tenir compte du fait que certaines ententes internationales régissaient déjà ces secteurs. Il s'agit:

 
 

1.1 - Règles d'origine des produits

Le principe général des règles d'origine est à l'effet qu'un produit est considéré comme originant d'un État-membre s'il est entièrement produit ou obtenu sur son territoire. Bien entendu, une série de règles de contenu particulières permettent de déterminer les cas dits de " zone grise ". L'ALENA a renforcé les exigences de contenu par rapport à l'ALE. En effet, certaines règles de contenu particulières exigent désormais un contenu nord-américain minimal de 60 ou 62.5 pour cent afin de bénéficier du traitement préférentiel. Sous l'ALE, un produit était considéré " nord-américain " s'il justifiait un pourcentage de contenu local de 50 pour cent.

 

1.2 - Procédures de contrôle de l'origine des produits

C'est le chapitre cinq de l'ALENA qui règle les questions de preuve et de transit des marchandises à l'intérieur de la zone de libre-échange.

 

1.3 - Mesures d'urgence

Évidemment, comme dans tout instrument international classique, un chapitre de l'ALENA prévoit la possibilité pour un État-membre d'adopter des mesures de sauvegarde contre certaines catégories de produits importés qui pourraient causer un préjudice trop important à l'économie nationale. Ces mesures incluent notamment l'augmentation des droits de douane ou de toute forme d'imposition à l'égard d'une des Parties ou de l'ensemble des importations.

Pour circonscrire ce qui devrait être un évènement tout à fait exceptionnel entre membres d'une zone de libre-échange, l'Accord prévoit la création ad hoc d'un organisme d'enquête chargé de vérifier l'existence d'un préjudice grave, ou d'une menace de préjudice grave. Les décisions de cet organisme pourront être soumises à l'examen de tribunaux judiciaires ou administratifs, dans la mesure prévue par la législation intérieure.

Malgré cet encadrement, il est quand même éminemment surprenant qu'il soit toujours permis aux Parties à l'Accord d'adopter des mesures d'urgence, la sécurité et l'accès garantis aux marchés des États-membres s'en trouvant fort compromis.

 

1.4 - Obstacles techniques au commerce

Les obstacles techniques au commerce sont une composante des barrières non-tarifaires, c'est à dire des barrières qui ne sont pas des droits de douane ou d'autres mesures de contrôle à l'importation qui sont quantifiables. Les obstacles techniques peuvent prendre la forme d'une exigence d'étiquetage, d'emballage, de norme technique minimale, de contrôle de sécurité etc.

Sous l'ALENA, les États-membres peuvent toujours:

Ces mesures comprendront aussi:

Bref, le changement apporté par le traité dans ce domaine est pratiquement nul. A tout le moins, l'ALENA oblige une Partie à notifier les autres de toute modification qu'elle apporte à ses normes techniques, et il oblige de façon générale les États-membres à coopérer afin d'améliorer le niveau de sécurité et de protection.

 

Cette première partie se voulait un résumé des règles applicables au commerce des produits. Maintenant, je ferai une brève description des règles spécifiques applicables à différents secteurs de l'activité économique.

 

2- Les régimes sectoriels

En terme de volume législatif, les dispositions sectorielles représentent la partie la plus importante du traité. Cela s'explique sans doute par le fait qu'il s'agit des dispositions qui ont été le plus âprement négociées. En effet, le principe général de l'Accord de libre-échange a été, dès le début, accepté et facilement transposé par les négociateurs. Cependant, toutes les questions concernant l'agriculture, l'énergie, les télécommunications et les prestations de services trans-frontières ont chacune failli faire échouer l'ensemble des négociations.

 

2.01 - Les secteurs de l'automobile et l'industrie du textile et des vêtements

(Voir plus haut en 1.01 et 1.02)

 

2.1 - L'énergie

Dans ce domaine, historiquement très étroitement lié à la souveraineté nationale, l'ALENA ne parvient qu'à fixer le désir des parties de voir graduellement libéraliser le commerce des produits énergétiques. Au plus l'Accord contient-il une interdiction pour les États-membres de fixer un prix maximum ou un minimum pour les produits énergétiques, assortie d'une interdiction aux taxes à l'exportation.

 

2.2 - L'agriculture

Ce chapitre traite séparément deux catégories de problèmes propres à l'agriculture.

Premièrement, l'ALENA édicte certaines règles d'accès aux marchés des autres États-membres:

Les parties doivent:

mais elles conservent les pouvoirs de maintenir:

La seconde catégorie de considérations vise les barrières non-tarifaires spécifiques à l'agriculture. En jargon juridique, il s'agit des mesures sanitaires et phytosanitaires. Un ensemble de normes très techniques et pointilleuses permettent de déterminer lesquelles seront acceptables au terme de la période de transition.

 

2.3 - Les télécommunications

Ce chapitre établit le régime applicable au transport de communication par les réseaux publics, ainsi que la " prestation de services améliorés ". L'accès au réseau public de télécommunication est garanti aux ressortissants des États-membres, de façon non-discriminatoire, et le prix des services procurés doit refléter les coûts encourus. De plus, les monopoles publics se voient imposer l'obligation expresse de ne pas profiter d'une position dominante sur le marché afin de fausser la concurrence.

 

2.4 - Le commerce des services transfrontaliers

Ce champ d'activité fait véritablement preuve d'une libération substantielle des contraintes d'exportations. En effet, le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée et le traitement non-discriminatoire sont les trois principes qui garantissent l'accès aux marchés des autres États-membres. Sont exclus cependant les services financiers, ceux reliés à la pétrochimie ainsi que les services reliés au transport aériens. Ces trois types de services font l'objet de dispositions sectorielles propres.

Les États-membres ne peuvent plus exiger le maintien d'une présence minimale sur leur territoire comme préalable au commerce transfrontalier. Depuis le premier janvier 1996, toutes les exigences de nationalité et de résidence sont bannies. Aussi, la reconnaissance et l'autorisation d'exercer une profession réglementée doivent désormais s'effectuer sur la base de critères objectifs et transparents.

Aux fins de mener une harmonisation des normes professionnelles, les autorités nationales doivent coopérer, se rencontrer à tous les deux ans et négocier l'abolition des barrières quantitatives résiduelles.

Un régime spécial prévoit que les avocats peuvent donner des conseils juridiques sur le territoire d'une autre partie, mais seulement en ce qui concerne leur propre législation nationale. Dans la même optique, les ingénieurs sont soumis à un traitement spécial qui prévoit une libéralisation progressive des exercices temporaires sur le territoire d'une autre partie.

 

2.5 - L'admission temporaire des hommes et des femmes d'affaires

Chapitre indépendant du commerce transfrontaliers de services, l'admission temporaire au bénéfice des gens d'affaires vise à simplifier les voyages et déplacements qui ne font pas l'objet d'un contrat de service. Dans cette mesure, chaque État-membre doit autoriser l'admission temporaire des gens d'affaires sans autre condition que celles relatives à la santé publique et à la sécurité nationale. En conséquence, le seul document que peuvent exiger les autorités douanières, outre une preuve de citoyenneté, est un document attestant la nature internationale des affaires. Des dispositions spéciales s'appliquent aux investisseurs, aux négociants et aux personnes mutées au sein d'une même entreprise.

 

2.6 - Les investissements

La volonté de libéralisation des investissements s'est exprimée de façon moins enthousiaste. En effet, bien que le traitement de la nation la plus favorisée s'applique aux investissements en général, le traitement national n'est accordé qu'à l'égard des situations concernant l'établissement, l'acquisition, l'expansion, la gestion, la direction, l'exploitation et la vente. Un État-membre ne peut discriminer en se basant sur la nationalité de l'investisseur ou de celle des membres du conseil d'administration.

Tous les paiements courants et les transferts de capitaux se rapportant à un investissement sont libres de toute contrainte étatique. Sont compris dans ce régime les bénéfices, les dividendes, les intérêts, les gains en capitaux, les redevances ainsi que les frais de gestion.

Aussi, le traité prohibe toute expropriation d'un investisseur par un État-membre sauf pour des raisons d'intérêt public.

La grande originalité de chapitre consiste en la création d'un mécanisme de règlements des différends obligatoire dans les conflits opposant un investisseur privé à un État-membre. Ce mécanisme prévoit une phase préalable de conciliation et d'arbitrage, suivie en cas d'échec par un arbitrage dont l'exécution est garantie par les États-membres sur leur territoire.

 

2.7 - Les services financiers

Séparé des dispositions générales sur le commerce transfrontalier de service, le chapitre sur les services financiers prévoit entre autres:

 

2.8- Les marchés publics

Les dispositions relatives aux marchés publics ne sont pas vraiment contraignantes. Elles stipulent pour l'essentiel que les États-membres s'efforceront de libéraliser l'accès aux marchés publics, afin de parvenir éventuellement à un traitement des appels d'offre qui soit équilibré, non discriminatoire, prévisible et transparent. Étant donné que l'octroi de contrats par un gouvernement est toujours un processus sujet aux pressions politiques, partisanes, et souvent nationalistes, le calendrier des réalisations apparaît fort chargé.

Déjà cependant, l'Accord stipule quelques mesures qui s'inscrivent dans la logique de ces objectifs:

Le traitement national s'applique et les appels d'offre doivent être attribués de façon non discriminatoire dans les cas suivants:

Les Administrations doivent coopérer afin de faire connaître aux intéressés les mécanismes d'attribution de contrats publics et elles doivent se rencontrer au plus tard à la fin de 1998 pour entamer de nouvelles négociations visant à une plus grande libéralisation des marchés publics.

 

2.9 - Les politiques de concurrence, les monopoles et les entreprises d'État

Les lois nationales des États-membres sont maintenues à ce chapitre, de façon à respecter les objectifs généraux du traité qui visent essentiellement l'élimination des barrières commerciales injustifiées. En plus de consultations périodiques entre les parties, l'Accord instaure un mécanisme de coopération et de coordination des autorités administratives. Aussi, est créé un groupe de travail sur le commerce et la concurrence qui doit rendre des recommandations sur l'amélioration du système nord-américain de concurrence avant la fin 1999.

 

2.10 - La propriété intellectuelle

L'innovation sans doute la plus importante de l'ALENA réside sans conteste dans l'élaboration d'une politique contraignante et détaillée de protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle. La formulation du principe général servant de base à la protection diffère des autres chapitres du traité. En effet, plutôt que d'appliquer le traitement national, l'Accord établit que les États-membres doivent " accorder, aux ressortissants d'une autre Partie, une protection adéquate et efficace, et les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, tout en veillant à ce que les mesures destinées à faire respecter ces droits ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles à des échanges légitimes. " Il s'agit en somme d'une obligation d'adéquation et d'efficience, ce qui permet vraisemblablement beaucoup moins de détours et faux-fuyants qu'une application biaisée du traitement national pourrait engendrer.

 

Dans plusieurs domaines spécifiques de la propriété intellectuelle, l'obligation générale mentionnée au paragraphe précédent se combine au traitement national. Aussi, des dispositions particulières et des modifications souvent importantes des lois nationales affectent les domaines suivants:

 

Le traité oblige également chaque État-membre à élaborer des voies de recours qui soient rapides, préventives, dissuasives et efficaces contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Un ensemble d'exigences spécifiques pour l'élaboration de recours divers en dommages, en injonction viennent encadrer et guider l'action législative des États.

 

3- Dispositions administratives et institutionnelles

Curieusement, les trois derniers chapitres du traité règlent les questions institutionnelles de l'ALENA. Sans doute les rédacteurs ont-ils préféré reléguer ces chapitres à la fin plutôt qu'au début de l'Accord afin de mettre implicitement l'emphase sur les mesures substantielles du traité, celles qui régissent la libéralisation du commerce comme tel.

 

3.1 - La publication, notification et l'application des lois.

Essentiellement, ce chapitre prévoit:

 

3.2 - L'examen et le règlement des différends en matière de droits antidumping et compensateurs

Ce chapitre est une des clés de voûte de l'Accord. En effet, suite à de multiples disputes commerciales interminables et fort coûteuses, les négociateurs canadiens et américains estimaient lors de la conclusion de l'ALE qu'il était absolument nécessaire de prévoir un mécanisme de règlement des différends qui puisse être efficace et qui parvienne à modérer les ardeurs des exécutifs de chaque État-membre. Bien que substantiellement modifié lors des négociations débouchant sur l'ALENA, le mécanisme de règlement des différends repose toujours sur la tenue d'auditions devant des groupes spéciaux incluant des représentants des parties en litige.

En bref, l'ALENA stipule que:

 

3.3 - Le règlement des différends

La procédure de règlement des différends s'applique aux litiges concernant l'interprétation ou l'application de l'ALENA ou aux litiges mixtes concernant l'ALENA et les accords conclus dans le cadre du GATT.

Une caractéristique essentielle de cette procédure est qu'elle prévoit dans tous les cas que les parties à un litige doivent coopérer et se consulter continuellement. L'emphase est donc portée sur ce que les Américains appellent les méthodes alternatives de résolution de conflits, généralement plus rapides et moins coûteuses que les mécanismes typiques d'enquêtes et d'auditions devant un juge.

Les étapes prévues dans le règlement d'un différend public sont les suivantes:

 

La procédure de règlement des différends commerciaux privés est différente. Elle établit :

 

3.4 - Les dispositions institutionnelles

Les dispositions institutionnelles à proprement parler sont plutôt timides. Il n'y a pas de véritable institution supranationale contraignante comme la Commission des Communautés européennes, par exemple. Ce phénomène s'explique encore une fois par la volonté des parties de construire une union strictement commerciale et non politique.

Les institutions de l'ALENA sont au nombre de deux, soit la Commission du libre-échange et le Secrétariat.

 
 
 

3.5 - Dispositions finales

L'Accord prévoit dans son chapitre 21 des exceptions générales à l'application du traité. Ainsi, il y est stipulé que le traité ne vise pas:

   

1996 © Guillaume Carrier. Tous droits réservés.

 
 

Bien d'autres choses pourraient être ajoutées pour clarifier, détailler et circonscrire d'autres domaines d'activités de l'Association nord-américaine de libre-échange. J'espère cependant que ces notes seront utiles dans leur forme actuelle.

 

Retour à la page de présentation du site Eunoram